Le rideau tombe sur la 68ème Mostra du Cinéma de Venise…

septembre 2011-nicolecasale

Venise, ancienne république qui fut l’une des destinations les plus fréquentée et importante de notre vieux continent, ne cesse encore aujourd’hui d’attirer chaque année, millions de visiteurs. Le Carnaval en est un exemple. Apparu au début du XIème siècle, c’est une fête qui s’est consolidée au fil des années pour instaurer un semblant d’égalité entre tous les vénitiens. En effet, grâce à l’anonymat garantit par le port d’un masque, chacun devient acteur d’un unique décor : Venise.

« La Mostra del Cinema di Venezia » renvoie en quelque sorte au même état d’esprit. La ville redevient lieu de songe et, encore une fois se met en place un monde de fiction concentré dans un unique lieu : le cinéma. Il ne s’agit plus de porter un masque ou un costume mais de franchir de lourds rideaux de velours rouges et de se plonger dans l’obscurité d’une sale de cinéma pour devenir, comme dirait Pirandello, « un, personne, cent mille« .

Cependant, une fois sortie de cette obscurité, il semblerait que la noble intention de
concentrer toutes les attentions sur l’oeuvre d’art cinématographique soit aveuglée par une surexposition aux lumières : éblouissant sont les flash des appareils photos de dernière génération maniés par les professionnels venus des quatre coins du monde, et d’autant plus « agressifs » sont les flash des simples et petites caméras digitales tenues par les mains tremblantes des curieux, impatients de pouvoir immortaliser leur idole.

La Mostra c’est un tapis rouge, c’est des Lancia aux vitres teintées,c’est les cris à l’arrivée des acteurs, c’est les videurs à l’entrée des pavillons, c’est les soirées privées, c’est un pass Vip, c’est l’Excelsior et sa vue sur la mer… Mais c’est aussi un vénitien qui se plaint de l’invasion des « forestiers », c’est les sandwichs du seul bar du coin « Gregory Speck » ou « Bread Pitt », c’est les 6 cafés (voir plus) pris par jour, c’est le film de 8h du matin, c’est celui de minuit, c’est les 15 minutes d’applaudissement au terme de Shame, et c’est surtout l’homme vêtu de noir, Marco Muller, critique de cinéma et producteur italien, depuis 2004 directeur artistique de la Mostra.

La 68ème édition de la Mostra ferme ses portes le 10 septembre avec plus de notes positives que négatives si l’on s’en tient aux jugements des critiques. Considérée comme l’une des meilleures éditions des dernières années, voici le palmarès qui ne s’est encore une fois pas démenti en nous réservant bien des surprises (notamment l’absence de Roman Polanski et de son Carnage).

Venezia 68

Lion d’or pour le meilleur filmFaust de Aleksander Sokurov (Russie)

Lion d’argent pour la meilleure mise en scèneRen Shan Ren Hai (People Mountain People Sea) de Shangjun Cai (Hong Kong)

Grand prix du juryTerraferma de Emanuele Crialese (Italie)

Coppa Volpi pour la meilleure interprétation masculine: Michael Fassbender dans le film Shame  de Steve McQueen (UK)

Coppa Volpi pour la meilleure interprétation féminine: Deanie Yip dans le film Tao jie (A simple life) de Ann Hui (Hong Kong)

Prix Marcello Mastroianni pour nouveaux talents: Shota Sometani e Fumi Nikaido dans le film Himizu de Sion Sono (Japon)

Prix pour la meilleure photographie: Robbie Ryan pour le film Wuthering Heights de Andrea Arnold (UK)

Prix pour le meilleur scénario: Yorgos Lanthimos et Efthimis Filippou pour le film Alpis (Alps) de Yorgos Lanthimos (Grèce)

Lion du futur-Prix Venezia pour la première œuvre « Luigi De Laurentis »Là-bas de Guido Lomb

« New York est une ville féconde et généreuse, si vous en acceptez la violence et la décadence ». James Dean.

Peut-être vous souvenez vous du film qui en 2008 remporta la Caméra d’Or au Festival de Cannes. Homonyme de l’acteur américain (si ce n’est qu’il s’agit d’un réalisateur anglais), Steve McQueen, avec Hunger, a plongé ses spectateurs dans l’univers de restriction par excellence: la prison. C’est à travers les yeux d’activistes nord-irlandais, mais surtout à travers la faim éprouvée par Bobby Sands (magistralement interprété par Michael Fassbender) que nous avons vécu l’oppression de l’emprisonnement.

2011, New York, une ville froide et distante, une ville où l’on peut y vivre tout en se sentant désespérément seul.

Pourquoi New York ?  Pour McQueen  » c’est la ville des excès « , décor idéal pour Shame, film centré entièrement sur la liberté. L’atmosphère de cette ville renvoie parfaitement à l’idée que     » trop de liberté, ou plutôt une liberté mal vécue, peut devenir une prison « .

Le silence d’un homme, un répondeur, « We are not bad people. We just come from a bad place”. C’est dans la « ville qui ne dort jamais », que Brandon jeune homme obsédé par le sexe, essaye de cacher sa dépendance. Grâce à son corps, il repoussera toutes les limites possibles de sa sexualité, et parallèlement à la chute de sa soeur Sissy (Carey Mulligan) il ira jusqu’à tenté une sorte de suicide psychologique.

Grand nombre de déclinaisons possibles du sexe sont citées et mises en scène dans ce film : sexe à trois, sexe virtuel, sexe oral, expérience homosexuelle…Steve McQueen nous fait vivre la dépendance de cet homme de façon crue et détachée, sans jamais nous laisser entrevoir une possible voie de rédemption, voir de guérison. C’est la narration silencieuse d’une obsession qui ne cherche pas à aboutir sur une bonne ou mauvaise fin. Il s’agit du simple récit d’un fragment de vie, de vide.

C’est avec grande maîtrise que le réalisateur réussit à donner une touche presque poétique à 99 minutes de film dédiés implicitement et explicitement à l’acte sexuel. La bande son et la photographie ne sont que certains des éléments permettant au film de ne jamais basculer dans la vulgarité. La froideur des scènes de sexe est d’autant plus bouleversante dès lors qu’elle est systématiquement et inexorablement accompagnée d’un immense désespoir.

« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change » Giuseppe Tomasi di Lampedusa

Huit films italiens ont été sélectionnés comme possibles représentants de la péninsule aux Oscars 2012. Le 28 septembre 2011 le verdict est tombé et se sera Terraferma, film de Emanuele Crialese, qui fera son entrée au Kodak Theatre.

Presenté à Venise et vainqueur du grand prix du jury, Crialese, à travers une humble famille de pécheurs, met en avant la tranquillité perdue de l’île de Lampedusa. Il ne s’agit pas d’un bout de terre sicilienne quelconque, et les italiens le savent bien! Cette petite île de la méditerranée (à peine 6000 habitants), trempée dans les eaux se trouvant entre Malte et la Tunisie, est un point de passage presque obligatoire reliant le continent africain à celui européen.

Déjà en 2002, le réalisateur nous avait fait connaître cette magnifique terre dans son Respiro, gagnant du prix de la critique au Festival de Cannes. Les films de Crialese sont imprégnés par la mer, la narration se développe en dessous, tout comme au dessus des eaux salées. Si Respiro se termine par une prise de vue du fond de la méditerranée, Terraferma commence par la caméra qui, peu à peu, émerge des profondeurs. Si avec Nuovomondo (The Golden door, gagnant du Lion d’Argent en 2006) le réalisateur d’origine sicilienne met en scène la grande vague d’immigration italienne du début du XXème siècle vers le continent américain, avec Terraferma, un siècle plus tard, ce sont les italiens à devoir ouvrir leurs portes aux immigrés.

Un film que l’on pourrait définir de « très méditerranéen ». Cocktail de soleil, eaux cristallines, sable doré, le tout accompagné d’un mélange de dialecte sicilien et de langue italienne pour rendre le tout « très pittoresque »! Malheureusement, Terraferma est aussi un film farcit de stéréotypes, toujours de plus en plus constants au sein du cinéma italien (exemple, la distinction entre Nord et Sud incarné par le policier milanais qui ne manque pas de montrer son mépris pour les pécheurs siciliens). Cette approche facilite certainement la compréhension du film de la part d’un public étranger, en confirmant un certain imaginaire collectif lié à l’Italie (d’où peut être sa présence en compétition pour l’Oscar du meilleur film étranger). Peut-etre Habemus Papam aurait été plus représentatif de l’esprit italien?

C’est ainsi que l’Italie continue à se montrer toujours qu’à moitié, cachée derrière des stéréotypes désormais acquis et consolidés au fil des années, mais qui ne manquent pas de laisser un amer arrière goût aux italiens.

Années ’70. Une bande de simples délinquants part à la conquete de Rome…

L’empereur de Rome a été tué! Un empereur pas comme les autres. Celui-ci était unique. 1970 et le Libanese (le Libanais) accompagné de quelques amis d’enfance, réussit à mettre en place l’organisation criminelle plus puissante que Rome n’ait jamais connu durant le XXème siècle.

En 2005, Michele Placido réalisait Romanzo Criminale, film adapté du roman éponyme de Giancarlo de Cataldo. Quelques années plus tard, l’adaption pour le petit écran est réalisée et diffusée en Italie sur Sky.

Années ’70, l’Italie a vécu ses « anni di piombo » (années de plomb), et s’instaure la « strategia della tensione » (la stratégie de la tension). Une décennie durant laquelle se sont succédés plus de 140 attentats. C’est les années des bombes dans les centres-villes, du terrorisme noir (2 atout 1980 attentat à la gare de Bologne, encore aujourd’hui on y retrouve symboliquement l’horloge qui marque toujours la même heure,10.25, l’heure à laquelle plus de 85 personnes ont perdu la vie), terrorisme rouge (brigades rouges) et des enlèvements (16 mars 1978 attentat de Via Fani (Rome) est enlevé Aldo Moro, homme politique de premier plan, et sont tués ses 5 gardes du corps. Moro sera retrouvé sans vie dans le coffre d’une renault 5).

Dans le chaos de ces années quelques romains vont prendre le contrôle du marché illégal de Rome (prostitution, drogue, casinos) et entretenir des liens avec la Mafia, l’extrême droite mais aussi avec des représentants du monde politique. Ce sont les membres de la « banda della magliana ».

Le 26 octobre 2011, Canal+ s’apprête à diffuser la deuxième saison de ce roman criminel. Une série qui ne se contente pas de retracer l’histoire d’une des bandes criminelles les plus connues d’Italie, mais qui introduit les jeunes générations, et replongent les moins jeunes, dans une des périodes les plus sanglante que l’Italie n’ait jamais connu.

Quand Al Pacino rencontre Salomè…

Présenté à Venise et vainqueur du prix Glory to the Filmmaker 2011, Al Pacino confesse avec son film-documentaire Wilde Salomè,  son obsession pour Oscar Wilde.

En 1996, Al Pacino s’était lancé sur les traces de Richard III (Looking for Richard) à l’aide de scènes tournées reprenant des passages de la pièce théâtrale, des interviews d’acteurs, des interviews de passants…

Wilde Salomè reprend exactement le même concept. Al Pacino part sur les traces laissées par Oscar à Londres, à Dublin, à Paris (lieu de sa mort).

A travers le vécu de l’écrivain et l’histoire de ses oeuvres, Al Pacino introduit des interviews, en s’approchant ainsi à la structure du documentaire. Cependant on y retrouves scènes filmées de l’oeuvre théâtrale interprétée par le réalisateur lui même et par une splendide Jessica Chastain.

Ce qui rend ce film intéressant c’est la transparence. En effet, Al Pacino fait revivre au spectateur toutes les difficultés qu’il a pu rencontrer durant la préparation de la pièce théâtrale (qui n’a pas eu de très bons retours aux Etats Unis) et pour la préparation du film. Des difficultés d’organisation mais aussi et essentiellement de production. Le point de vue des acteurs, des producteurs, les obsessions du réalisateur, et les humeurs des spectateurs (arrivant jusqu’à insulter une des productrice du spectacle théâtrale) y sont insérés sans que rien n’ait été programmé à l’avance.